Le film
Depuis 2018, Gilles Balbastre, réalisateur et François Denord, sociologue travaillent sur un projet de documentaire cinéma portant sur la collusion entre les pouvoirs économiques, politiques et administratifs : Ceux qui tiennent la laisse.
Ce documentaire s’inscrit dans la droite ligne d’un autre film, Les nouveaux chiens de garde, réalisé avec Yannick Kergoat, sorti en salles en 2012. Pour continuer et approfondir l’analyse, nous avons pris le problème par l’autre bout du fil.
- Comment celles et ceux qui ont cadenassé les médias et dressé les journalistes comme des toutous ont-ils assujetti l’État et promu l’entreprise au rang de divinité ?
- Comment celles et ceux qui tiennent la laisse ont-ils confisqué tous les pouvoirs au bénéfice d’une poignée de fortunes privées et au détriment des salariés – actifs ou inactifs –, pourtant seuls véritables producteurs de richesses ?
- À raison, vous pourriez rétorquer que ces questions sont vieilles comme le capitalisme. Peut-être. Mais jamais la puissance publique n’a été aussi diligente envers les patrons qu’avec les dirigeants de la « troisième révolution industrielle », celle du numérique. Le moindre de leurs désirs obtient satisfaction : financement direct ou indirect, révision de la réglementation, attribution de marchés ou de licences. L’État abandonne certaines de ses prérogatives et confie à une minorité le droit d’en administrer le service.
Et l’avidité de Ceux qui tiennent la laisse ne connaît plus aucune limite. Le capital est attiré aujourd’hui par des nouveaux eldorados : la santé ou l’éducation par exemple sont en voie de numérisation et donc de privatisation, transformées en E-Santé ou en E-Education. Alors que les soignants ont démontré durant des mois la place essentielle du service public de la santé pour faire face à la pandémie du Covid-19, le capital n’en veut plus. Là où il y a besoin, il devrait y avoir offre (privée, cela va sans dire). La technologie à la place de l’être humain, les profits augmentés, il n’est plus question de lâcher un tel trésor et charge à Macron et à son gouvernement de terminer le dépeçage des services publics.
La période dans laquelle nous nous trouvons témoigne plus que jamais de la nécessité de réaliser un documentaire sur les mécanismes permettant à ceux qui font main basse sur le moindre kopeck de tenir en laisse la démocratie économique, sociale et politique. Milliardaires, grands patrons, élites politiques, hauts-fonctionnaire, chiens de garde médiatiques travaillent de concert à maintenir l’ordre économique et politique actuel, autrement dit engendrent le désordre social et environnemental dans lequel nos sociétés sont plongées. Plus Ceux qui tiennent la laisse captent le pouvoir, engrangent les plus-values, propagent le chaos, plus la majorité d’entre nous nous se voit traitée par cette minorité de « radicaux », de « complotistes », de « populistes ».
Le capitalisme n’a pas besoin forcément de fraudes fiscales, d’organisations secrètes et occultes, de tricheries ou de virus meurtriers pour prospérer. Bien sûr, il peut de temps à autre enfreindre la légalité, mais ce n’est pas le quotidien de ses activités. Bernard Arnault, Xavier Niel, Patrick Drahi ou Vincent Bolloré sont au top des milliardaires français dans la plus grande transparence démocratique… C’est dans un cadre parfaitement légal qu’ils amassent des fortunes considérables.
N’attendez donc pas alors des révélations sulfureuses, l’alignement de faits-divers, de scandales dans Ceux qui tiennent la laisse. C’est l’écran de fumée officiel que nous allons percer. Et n’ayez crainte, vous ne vous ennuieriez pas.
Pour que notre film atteigne un public plus large, nous avons bâti un scénario qui prendra la forme d’une investigation policière, une sorte de polar, mais dont le héros ne sera ni un policier, ni un détective. Nous avons confié notre enquête à une sociologue, entourée de ses étudiants, tous chargés de prendre froidement pour objet le monde dans lequel nous vivons. Des saynètes fictionnelles « chapitreront » notre film, permettant ainsi de dérouler la narration, épisode par épisode. Le rôle de notre sociologue de choc sera interprété par la comédienne Corinne Masiero, actuelle « héros » de la série Capitaine Marleau diffusée sur France Télévision. Un autre comédien, Jacques Bonnaffé, interprétant le rôle d’un des papes de la sociologie Max Weber, lui donnera la réplique.
Au-delà du tableau descriptif des élites – à l’encadrement plaqué or – que nous allons brosser, nous ne nous priverons pas de parler des contrecoups, d’évoquer la violence des coûts sociaux et humains que quelques-uns ont imposé à tous. Plus les services publics sont pillés, plus les fortunes explosent, plus les dégâts sociaux minent le cadre social, avec son lot de chômage, de précarité, de pauvreté, de violences, de suicides. Nous n’oublierons pas d’évoquer les larmes et le sang qu’un tel système fait couler.